Vue de l’hémicycle du Parlement Européen pendant une session plénière, avec les drapeaux des États membres
Hémicycle du Parlement Européen (Image IA)

Le Parlement Européen : vitrine démocratique ou théâtre d’ombres ?

Ils l’ont voulu démocratique, ils l’ont élu au suffrage universel… et ils l’ont vidé de son pouvoir. Le Parlement Européen, c’est un peu la Joconde du projet européen : un symbole qu’on expose fièrement dans les couloirs, mais qu’on interdit de toucher. Son existence même rassure les bonnes consciences, mais qui peut aujourd’hui citer une seule loi européenne directement issue de son initiative ? À Strasbourg, pendant que les eurodéputés s’écharpent sur le grammage du plastique recyclé, le réel, lui, se consume à grande vitesse.

Alors, que reste-t-il vraiment du pouvoir parlementaire en Europe ? Et surtout, à quoi sert une institution qui n’a pas le droit de proposer des lois, mais qui coûte plus de deux milliards d’euros par an ? Tentative d’autopsie – dans un huis clos feutré, mais sous les néons d’un cynisme bureaucratique.

Contexte historique et juridique

Créé en 1952 comme simple Assemblée commune, le Parlement Européen a longtemps eu un rôle consultatif. Il faudra attendre 1979 pour qu’il soit élu au suffrage universel direct, et les traités successifs (Maastricht, Amsterdam, Lisbonne) pour qu’il voie ses compétences légèrement élargies. Mais à la différence de ses équivalents nationaux, il ne dispose toujours pas du pouvoir d’initiative législative : ce privilège reste réservé à la Commission Européenne.

La logique est technocratique : l’exécutif propose, le Parlement discute. Mais dans un monde où l’apparence démocratique prime sur la démocratie réelle, cette mise en scène suffit souvent à entretenir l’illusion.

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Une institution coûteuse, peu influente

Avec un budget de plus de 2 milliards d’euros par an, le Parlement Européen est l’un des parlements les plus chers du monde. Il emploie environ 750 députés, auxquels s’ajoutent des milliers de fonctionnaires, assistants et interprètes. Ce n’est pas tant le coût qui choque, que la disproportion entre les moyens déployés et l’impact réel sur la vie politique européenne.

Cela constitue sans doute un domaine dans lequel un peu de décroissance ne choquerait personne…

L’existence de deux sièges officiels – Bruxelles et Strasbourg – ajoute une couche d’absurdité bien continentale : un déménagement mensuel à grand renfort de camions, de personnel et d’énergie, pour quelques sessions plénières très médiatisées… mais politiquement secondaires.

Du parlement des peuples au théâtre de la communication

Dans les couloirs du Parlement, les lobbyistes sont parfois plus nombreux que les députés eux-mêmes. Tandis que les élus tentent d’exister dans un système où les décisions sont prises ailleurs, la communication devient une arme de survie politique. On multiplie les déclarations de principe, les rapports sans lendemain, les conférences aux titres ronflants sur l’intelligence artificielle éthique ou la transition verte inclusive.

Pendant ce temps, les vrais rapports de force se jouent entre la Commission, le Conseil Européen et les grands intérêts industriels. Le Parlement, lui, parle. Et publie.

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À quoi sert encore le Parlement Européen ?

Dans les faits, le Parlement peut :

  • amender des textes proposés par la Commission,
  • approuver ou rejeter le budget européen,
  • valider certains accords internationaux,
  • censurer (théoriquement) la Commission,
  • jouer un rôle de forum public sur les grands enjeux sociétaux.

Mais il reste structurellement en position de réaction. Il n’a pas la main sur l’agenda, et ses décisions dépendent d’un consensus complexe entre groupes politiques transnationaux.

Alors, simple chambre d’enregistrement, ou nécessaire soupape démocratique ? Peut-être les deux. Ce qui est sûr, c’est qu’il offre une scène, un budget, des moyens… et très peu de leviers.

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Strasbourg, Bruxelles et des milliards plus tard…

Le Parlement Européen, c’est la démocratie sans friction, sans prise, sans muscle. Une démocratie d’apparat, où l’on débat beaucoup, mais où les textes clés sont toujours rédigés ailleurs. Il coûte cher, brasse du vent, déménage ses cartons tous les mois… et continue de séduire ceux qui préfèrent les symboles aux conflits.

La question n’est pas de le supprimer, mais de savoir s’il doit continuer à faire semblant. Ou, mieux encore, si les citoyens européens auront un jour le courage de réclamer un parlement qui propose, décide et tranche. Autrement dit : un parlement.

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