Démocratie française : illusion participative et manipulation électorale
Démocratie : nom féminin, du grec dēmokratía, pouvoir du peuple.
Dans l’absolu, un idéal politique selon lequel les citoyens exercent leur souveraineté, directement ou par l’intermédiaire de représentants.
Dans la pratique contemporaine ? Un concept fourre-tout qu’on brandit comme une incantation magique dès qu’il faut justifier une décision impopulaire.
En France, on aime la démocratie. On l’encense, on la fête, on l’enseigne. On l’applique aussi, parfois, quand ça arrange. Mais lorsqu’elle devient trop bruyante, trop imprévisible, ou trop… populaire, on l’encadre, on la tord, on l’oublie. À tel point qu’on en vient à se demander si ce « pouvoir du peuple » n’est pas devenu un aimable mythe républicain, bien utile pour décorer les discours, mais embarrassant dès qu’il s’agit de gouverner.
Cet article propose une plongée à contre-courant dans les méandres de ce mot sacré mais galvaudé :
- Qu’était la démocratie à ses origines ?
- Comment s’est-elle incarnée en France, souvent plus sur le papier que dans les faits ?
- Quelles formes prend-elle aujourd’hui, ici et ailleurs ?
- Et surtout : peut-on encore, en 2025, parler sérieusement de démocratie… sans rougir ?
Autopsie d’un concept adoré, trahi, et peut-être à réinventer.
La démocratie athénienne : l’ancêtre mythifié
Ah, la démocratie athénienne… Ce concept qu’on cite toujours en modèle, mais qu’on oublie d’examiner de trop près, sous peine de voir s’effondrer un joli mythe.
Athènes, Ve siècle avant J.-C. : c’est la naissance de ce qu’on appelle la démocratie directe. Tous les citoyens peuvent voter les lois et débattre sur la place publique. Formidable ! Sauf que… seuls 10 à 15 % de la population sont concernés. Femmes, esclaves et métèques (les étrangers, même installés depuis des générations) n’ont pas voix au chapitre. On a donc un système où une élite mâle et libre décide pour tout le monde – une démocratie, certes, mais bien filtrée.
Pourtant, le modèle a ses vertus : pas d’élus corrompus puisque les charges politiques sont tirées au sort (une idée qui ferait frémir plus d’un énarque aujourd’hui). La parole est libre et le pouvoir n’est pas accaparé par une caste permanente… sauf si l’on regarde du côté des grandes figures comme Périclès, qui ont su se maintenir au sommet en jouant habilement du système.
En somme, la démocratie athénienne, c’est un peu l’ancêtre du suffrage censitaire avec des assemblées populaires qui ont plus de gueule que de pouvoir. Un idéal démocratique à la grecque, revisité et simplifié pour les manuels scolaires.
La démocratie en France : un accouchement dans la douleur
La France et la démocratie, c’est une histoire compliquée, un peu comme une relation toxique : on s’aime, on se trahit, on se promet que cette fois, c’est la bonne, et puis… on recommence.
1789-1799 : La Révolution, ou la démocratie en version instable
Tout commence en 1789. On renverse la monarchie absolue au nom du peuple. Formidable ! Mais… qui vote ? Au départ, seuls les citoyens actifs (ceux qui paient un certain impôt). On appelle ça le suffrage censitaire, c’est-à-dire une démocratie où seuls les riches décident. Et encore, pas pour longtemps : entre la Terreur, les coups d’État et les têtes qui tombent plus vite que les bulletins dans l’urne, le concept de démocratie reste encore un projet expérimental.
1848 : Suffrage universel masculin (les femmes attendront 1944, faut pas exagérer)
Après quelques essais infructueux (bonjour Napoléon et sa version impériale de la démocratie), la Deuxième République instaure enfin le suffrage universel… masculin. C’est une grande avancée : pour la première fois, tous les hommes peuvent voter, même les pauvres ! Résultat : ils élisent Louis-Napoléon Bonaparte, qui leur rend la pareille en supprimant la démocratie trois ans plus tard. Un peuple libre est un peuple bien encadré.
La Cinquième République : une démocratie très « républicaine »
Depuis 1958, nous vivons sous la Cinquième République, un régime fait pour éviter l’instabilité parlementaire… et pour donner un pouvoir royal au président. C’est là qu’on trouve le vrai génie politique français : un régime censé être démocratique, mais où l’exécutif peut passer des lois en force (merci le 49.3), dissoudre l’Assemblée quand ça l’arrange, et où le peuple ne peut s’exprimer que dans des référendums qu’on se permet d’ignorer (coucou 2005 !).

Bilan ? La démocratie française est un modèle passionnant : le peuple y est souverain, mais seulement quand ses décisions vont dans le bon sens. Sinon, on lui explique qu’il n’a rien compris.
Les formes contemporaines de démocratie : un concept à géométrie variable
La démocratie, aujourd’hui, c’est un peu comme une pizza : tout le monde en veut, mais personne ne met les mêmes ingrédients dedans. Chaque pays a sa recette, et certains ajoutent même des trucs franchement douteux.
La démocratie représentative : « Faites-nous confiance, on gère »
C’est la version la plus répandue. Le peuple vote pour des représentants qui prennent les décisions à sa place. L’idée, c’est que tout le monde ne peut pas être expert en économie, en diplomatie ou en calcul mental pour lire une fiche de paie. Donc on élit des gens qui, en théorie, bossent pour nous.
Sauf que dans la pratique, une fois élus, ils font ce qu’ils veulent. Et s’ils trahissent leurs promesses ? Pas grave, ils comptent sur notre amnésie politique. Une élection, c’est comme une relation longue : au début, on croit aux belles paroles, et puis on se rend compte qu’on s’est encore fait avoir.
La démocratie directe : « Toi-même, tu votes »
La Suisse l’applique régulièrement : référendums à tout-va, où le peuple tranche sur des questions concrètes. Une idée rafraîchissante… sauf qu’en France, un référendum peut être ignoré si la réponse ne plaît pas (coucou 2005, encore toi).
La démocratie participative : « Donnez votre avis (mais on en fera ce qu’on veut) »
C’est la mode : conventions citoyennes, consultations en ligne… On donne la parole au peuple, et ensuite… on l’oublie. Prenons la Convention citoyenne pour le climat : des citoyens tirés au sort proposent des mesures ambitieuses, et le gouvernement les met à la poubelle une par une.
La démocratie illibérale : « On garde le mot, on jette le concept »
Certains régimes se disent démocratiques tout en supprimant la presse libre, en emprisonnant les opposants et en truquant les élections. La Hongrie et la Russie, par exemple, adorent ce modèle : élections régulières, mais avec des candidats bien triés. Comme ça, le peuple a le choix… entre le pouvoir et le pouvoir.
En résumé ? La démocratie est un concept plastique : chacun l’adapte à sa sauce, et dans certains cas, elle finit par ressembler à autre chose sans qu’on ose changer l’étiquette.
La démocratie en France aujourd’hui : entre cynisme et imposture
La France se revendique « grande démocratie », mais à y regarder de plus près, elle ressemble parfois à un vieux décor de théâtre : de loin, tout semble solide, mais en s’approchant, on se rend compte que c’est du carton-pâte.

La crise de la représentation : un peuple mis sous tutelle
Théoriquement, les citoyens élisent leurs représentants pour qu’ils défendent leurs intérêts. Dans la pratique, ceux-ci gouvernent souvent contre la volonté populaire. Exemples ?
- Le Traité de Lisbonne en 2008, qui reprend la Constitution européenne rejetée par référendum en 2005. « Ah, vous avez dit non ? Vous vouliez une démocratie participative ? Mauvaise réponse, essayez encore. »
- Les Gilets Jaunes en 2018 : une révolte populaire massive, demandant plus de justice sociale et démocratique, qui s’est heurtée à une répression féroce et à un mépris affiché.
Aujourd’hui, l’abstention explose et les partis traditionnels s’effondrent, mais pas de panique : la Vème République est conçue pour fonctionner sans trop se soucier de l’opinion publique.
Qui pense encore la démocratie en France ?
Les intellectuels qui s’interrogent sur le sujet sont nombreux :
- Chantal Mouffe parle de « démocratie agonistique » et du nécessaire retour du conflit politique.
- Pierre Rosanvallon analyse la démocratie comme un régime en tension permanente.
- Emmanuel Macron… bon, non, lui ne pense pas la démocratie, il la pratique à sa manière.
Populisme : le gros mot qui cache un malaise démocratique
Dès qu’un mouvement politique prétend défendre directement la souveraineté populaire, il est taxé de « populiste ». Comme si vouloir écouter le peuple était une hérésie. Mais alors, qui est légitime pour parler au nom des citoyens ? Un gouvernement qui gouverne sans eux, ou ceux qui veulent redonner la parole aux urnes ?
La situation actuelle en France, c’est un paradoxe :
📌 On nous répète que la démocratie, c’est le pouvoir du peuple.
📌 Mais si le peuple s’exprime trop fort, il est accusé d’être dangereux.

Comparaisons internationales : entre dictature assumée et démocratie fonctionnelle
Voyons comment la démocratie se porte ailleurs. Trois cas d’étude : un pays où elle n’existe que sur le papier, un autre où elle tangue dangereusement, et un dernier où elle semble plutôt bien fonctionner.
La Corée du Nord : démocratie Potemkine
Officiellement, c’est la « République populaire démocratique de Corée ». Ça commence bien. Sauf que :
- Il n’y a qu’un seul candidat aux élections. Et bizarrement, il obtient 100 % des voix.
- L’opposition ? Inexistante. Enfin, elle existe, mais en camps de rééducation.
- La presse est libre… d’encenser le régime et Kim Jong-un.
Ici, la démocratie n’est qu’un costume : bien repassé, bien ajusté, mais complètement vide à l’intérieur.
La Turquie : une démocratie sous surveillance
La Turquie est un cas intéressant :
- Des élections ont bien lieu, et l’opposition existe (enfin, quand elle n’est pas en prison).
- Les médias sont techniquement libres… sauf ceux qui critiquent trop le pouvoir.
- Le président Erdogan a réussi à réécrire les règles pour rester au pouvoir plus longtemps.
C’est ce qu’on appelle une démocratie illibérale : les élections sont là, mais les contre-pouvoirs disparaissent progressivement.
La Suisse : la démocratie en version premium
Un contre-exemple : la Suisse, où les citoyens votent plusieurs fois par an sur des sujets concrets.
- Un tunnel à construire ? On demande l’avis du peuple.
- Une loi sur l’assurance-maladie ? Idem.
- Les élus ne peuvent pas ignorer un référendum sous prétexte que « les gens ne comprennent pas les enjeux complexes ».
Bien sûr, tout n’y est pas parfait, mais au moins, le concept de souveraineté populaire y est pris au sérieux.
Comment rendre la démocratie française… démocratique ?
Puisqu’on nous dit que la France est une grande démocratie, jouons le jeu et imaginons quelques réformes qui pourraient, soyons fous, donner un vrai pouvoir au peuple.
Instaurer le référendum d’initiative populaire (RIP, mais pour de vrai cette fois)
Actuellement, le référendum d’initiative partagée existe… sur le papier. Mais comme il faut l’aval du Parlement et des millions de signatures, c’est un parcours du combattant. La solution ? Un vrai RIP, où les citoyens peuvent proposer et voter des lois sans avoir besoin d’une validation d’en haut.
Limiter le 49.3 et autres passe-droits présidentiels
Le 49.3, c’est un peu le joker anti-démocratique du gouvernement : « Vous n’êtes pas d’accord ? On s’en fout, ça passe quand même. »
Idée révolutionnaire : si un projet de loi ne convainc pas la majorité des députés, peut-être qu’il faudrait le retravailler au lieu de l’imposer de force ?
Introduire le tirage au sort en politique
Les Grecs le faisaient déjà : on tirait au sort certains représentants pour éviter que les mêmes élites monopolisent le pouvoir. Dans une société où la classe politique est toujours issue du même moule (ENA, Sciences Po), ça pourrait être un bol d’air démocratique.
Renforcer le contrôle des élus (et les sanctions en cas de trahison électorale)
Actuellement, un candidat peut promettre tout et son contraire, être élu, puis faire l’inverse de son programme sans conséquence. Et s’il devait rendre des comptes ? Par exemple, une possibilité de destitution par référendum citoyen s’il trahit ses engagements.
Décentraliser le pouvoir pour une démocratie plus locale
Actuellement, tout est décidé depuis Paris. Mais pourquoi une ville moyenne du Cantal devrait-elle obéir aux mêmes règles qu’un quartier d’affaires de la capitale ? Donner plus de poids aux décisions locales permettrait d’avoir une démocratie plus adaptée aux réalités du terrain.
Voter ne suffit pas : repenser la démocratie pour qu’elle serve vraiment le peuple
La démocratie en France est un concept sacralisé mais peu appliqué. Pour qu’elle redevienne réelle, il faudrait accepter une idée simple : faire confiance au peuple. Un pari audacieux, à l’heure où les élites politiques passent leur temps à lui expliquer qu’il vote mal…