Couverture du livre Epepe de Karinthy

Épépé : un cauchemar linguistique à la croisée de Kafka et Orwell

Infos techniques et crédits

  • Titre : Épépé
  • Auteur : Ferenc Karinthy
  • Éditeur : Zulma
  • Date de parution : 13 mai 2021 (édition française)
  • Nombre de pages : 288
  • ISBN : 979-10-387-0039-0
  • Traducteurs : Judith et Pierre Karinthy
  • Préface : Emmanuel Carrère

L’actualité de l’auteur à l’époque

En 1970, lors de la publication d’Épépé, Ferenc Karinthy est déjà un écrivain et intellectuel reconnu en Hongrie. Fils de l’éminent écrivain Frigyes Karinthy, il a su se forger une identité littéraire propre. Outre son activité d’écrivain, Karinthy est également dramaturge, journaliste, éditeur et traducteur, ayant notamment traduit des œuvres de Machiavel et Molière en hongrois. Il a été récompensé par plusieurs distinctions littéraires prestigieuses, dont le prix Baumgarten, le prix Attila József et le prix Kossuth.

La Hongrie des années 1970 est marquée par une ouverture culturelle relative, malgré le régime communiste en place. Cette période voit l’émergence d’œuvres littéraires explorant les thèmes de l’absurde et de l’aliénation, reflétant les tensions sociales et politiques de l’époque. Des auteurs comme István Örkény, avec ses pièces de théâtre absurdes, contribuent à cette dynamique littéraire.

Individu solitaire au centre d’une foule dense et indifférente, visage inquiet tourné vers le ciel

La publication d’Épépé s’inscrit donc dans ce contexte d’effervescence intellectuelle, où les écrivains hongrois interrogent les absurdités du pouvoir et les défis de la communication humaine.

Les thèmes et qualités d’Épépé

L’angoisse de l’incompréhensible

Le roman repose sur une situation cauchemardesque : Budai, linguiste chevronné, se retrouve dans une ville inconnue où personne ne parle une langue qu’il comprend. Ce concept pousse à l’extrême l’angoisse de l’isolement linguistique et social. Karinthy exploite brillamment le motif du labyrinthe urbain, où l’absence de communication devient un piège aussi oppressant que les murs d’une prison.

Vue en plongée d’un labyrinthe urbain immense, avec une silhouette solitaire au centre

Une critique des sociétés totalitaires

La ville anonyme dans laquelle Budai est perdu semble fonctionner sur des règles rigides et absurdes, évoquant les bureaucraties totalitaires du XXe siècle. L’individu est écrasé par des structures impersonnelles et des foules indifférentes, à la manière de 1984 d’Orwell ou du Procès de Kafka.

Un cauchemar kafkaïen et existentialiste

L’absurde est omniprésent dans Épépé. Plus Budai tente de comprendre son environnement, plus la situation lui échappe. Cette impuissance face au réel rappelle les romans de Kafka ou de Camus, où la quête de sens se heurte à une absurdité indépassable.

Un récit au rythme haletant

Karinthy parvient à maintenir une tension constante. Chaque page ajoute un élément de frustration, d’urgence ou de désespoir. L’absence de repères linguistiques crée un malaise profond, presque physique, chez le lecteur.

Une parabole sur la condition humaine

Derrière son intrigue oppressante, Épépé interroge notre place dans le monde. Comment réagir face à l’incompréhensible ? Sommes-nous vraiment maîtres de notre destin, ou simples pions dans un jeu dont nous ignorons les règles ?

Homme hurlant en silence dans un paysage abstrait envahi de lettres et symboles incompréhensibles

La place d’Épépé dans l’œuvre de Ferenc Karinthy et dans la littérature

Un chef-d’œuvre tardif

Ferenc Karinthy est surtout connu pour Épépé, même s’il a écrit plusieurs romans, pièces de théâtre et essais. Fils du célèbre écrivain Frigyes Karinthy, il a longtemps évolué dans l’ombre de son père avant de s’imposer avec ce roman.

Un classique du roman d’angoisse et de l’absurde

Épépé s’inscrit dans la tradition des récits cauchemardesques et absurdes, aux côtés de Le Château de Kafka ou Nous autres de Zamiatine. Il explore le sentiment de perte de contrôle dans une société impitoyable, un thème qui résonne encore aujourd’hui.

Un livre redécouvert et réhabilité

Longtemps resté confidentiel en dehors de la Hongrie, Épépé a connu un regain d’intérêt grâce à sa réédition en France par Zulma en 2021, avec une préface d’Emmanuel Carrère. Ce dernier le compare d’ailleurs à Lost in Translation en version cauchemardesque.

Silhouette solitaire face à des panneaux de signalisation remplis de caractères incompréhensibles dans une gare sombre

Quand lire Épépé ? Qu’en attendre ?

Épépé est un livre à lire quand :

  • Vous êtes en transit dans un aéroport et que vous redoutez de rater votre correspondance. Ce roman transformera votre légère inquiétude en angoisse existentielle.
  • Vous venez d’emménager dans un pays étranger, histoire de bien mesurer l’ampleur du choc culturel qui vous attend.
  • Vous êtes coincé dans une administration kafkaïenne, entre des files d’attente interminables et des formulaires incompréhensibles.
  • Vous avez besoin d’une dose d’absurde, pour nourrir votre paranoïa ou simplement apprécier l’art de perdre pied.
  • Vous cherchez un roman qui hante longtemps après sa lecture, et qui vous fera entendre le bourdonnement indistinct d’une foule même en pleine nuit.

À quoi s’attendre ?
Un pur cauchemar littéraire. Une immersion totale dans l’incompréhension et l’oppression urbaine. Épépé n’explique rien, ne rassure pas et ne laisse aucun répit. C’est un livre qui enferme son lecteur dans un labyrinthe mental, aussi fascinant qu’étouffant.

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